mercredi 25 avril 2018

Jumanji : Bienvenue dans la jungle, de Jake Kasdan



Bien le bonjour, chers contemporains. J'espère que vous avez ramené dans vos valises un bon kilo de nostalgie et quelques filtres sépia, parce qu'on va attaquer un film que les plus vieux d'entre nous n'auraient jamais imaginé voir au cinéma. En effet, en fin d'année dernière est sortie la suite d'un classique des années 90 : le "Jumanji" de Joe Johnston, avec le regretté bien qu'immortel Robin Williams dans le rôle d'Alan Parrish. Une fable fantastique où deux gamins tombent sur une boîte de jeu aux règles troubles, et dont chaque tour joué semble avoir de graves conséquences sur le monde réel. Un long métrage où le temps s'expose dans toute sa relativité, passé et futur se mêlent, paradoxes se nouent et se délient, et où deux univers cherchent à fusionner, avec ce que cela implique de fracas. Outre cette dimension particulière, le film de 1995 est un digne représentant de cette doucereuse époque où les scénaristes et réalisateurs de productions destinées au jeune public ne prenaient pas ces derniers pour d'absolus demeurés.

Au summum des exemples de ce genre, on peut par exemple compter les excellents "Gremlins" et "Small Soldiers" de Monsieur Joe Dante, ou encore "L'Histoire sans fin" de Wolfgang Petersen. Tous des long-métrages qui traitaient de leur sujet sans infantiliser les mômes, qui pourtant furent chaque fois le public ciblé, mais aussi en soignant leur travail avec autant d'application que pour tout autre production. Ainsi, "Jumanji" avait-il réussi à charmer nombres de nos p'tites têtes blondes, tout en s'attirant au passage l'affection des parents. Car c'est là la force de ce genre de films : ce sont d'excellents divertissements à savourer en famille, au contraire de ces innombrables métrages qui vous promettent un ennui des plus profond lorsque votre progéniture sollicite votre compagnie pour les regarder. Vous serez donc probablement heureux de savoir que ce nouveau film, cette suite inattendue et surprenante, a su mettre en avant la même qualité, aussi il n'est pas nécessaire d'avoir moins de quatorze ans pour passer - en toute honnêteté avec soi - un agréable moment devant "Jumanji : Bienvenue dans la Jungle".


Une suite vingt ans plus tard...

Voilà un sacré défi, lorsqu'on y pense un peu. Bien que le premier film aie été fort bien reçu à sa sortie, et qu'il jouisse encore aujourd'hui d'une excellente notoriété, rien ne semblait présager une résurrection de la licence. Certes, une série animée avaient flirté autrefois sur ce succès, mais là encore, de nombreuses années nous en séparent. De plus, apprendre la nouvelle d'une suite avec aux commandes Jake Kasdan, c'était un tantinet déroutant, il faut l'avouer. Et pour cause, Kasdan avait fait preuve avec ses deux derniers projets d'un extraordinaire mauvais goût, aveux néanmoins de l'attrait du réalisateur pour le revival de genres. Car oui, lorsqu'on se penche sur sa carrière, celle-ci semble en total décalage avec les tendances contemporaines, presque à contre-courant. 
C'était donc tiède, voire frileux, que je prenais place dans la salle du cinéma. Et il ne fait aucun doute que cette méfiance aura eu une conséquente influence sur l'allégresse avec laquelle je suis sorti, après le générique de fin.
Vous rappelez-vous cette nostalgie que je vous conseillai plus haut d'avoir pris avec vous ? Et bien le film vous en enveloppe, à travers de nombreux clins d'oeil et références à son prédécesseur. Certaines sont certes aussi grosses que leurs homologues de "Jurassic World", d'autres bien plus discrètes, ne pouvant sauter au visage que lors du deuxième ou troisième visionnage. Pour autant, le réalisateur a fait le sage choix de ne pas se reposer que sur ce seul et unique levier émotionnel pour construire son ouvrage. Entre autres, Kasdan choisit de moderniser l'élément perturbateur de l'intrigue : le jeu lui-même. C'est donc ainsi qu'on se retrouve avec en lieu d'un plateau de jeu une cartouche de jeu-vidéo estampillée Jumanji. De plus, et j'aime à y voir une certaine adresse de la part du réalisateur, le format choisi pour le jeu est celui d'une cartouche semblable à celles de nos vieilles reliques vidéoludiques, renforçant le sentiment de nostalgie prépondérant au film.
Au-delà de ces quelques éléments, on retrouve une introduction rigoureusement similaire au premier volet, nous introduisant les règles du Jumanji par le biais d'un substrat à Alan Parrish, puis on est portés à la rencontre de nos nouveaux héros au biais d'une ellipse temporelle. Je reviendrai sur les péripéties qui suivent un peu plus tard, car j'aimerais tout d'abord verser encore un peu d'encre à propos de cette histoire de jeu-vidéo. Bien que cela soit presque anecdotique, au demeurant, c'est en fait toute la progression des personnages qui sera remis en question et soumis à des règles particulière par ce simple choix de structure narrative. Il est par exemple question pour nos quatre héros de choisir un avatar avant de débuter le jeu, chacun d'eux étant doté d'un atout ou d'une spécialité, mais également d'une mortelle faiblesse. De plus, c'est par l'achèvement et le parcours de plusieurs niveaux qu'ils pourront progresser dans l'aventure. Si l'idée de base pouvait sembler être un vulgaire prétexte, il apparaît en fait que cela soit une décision étroitement liée à la structure du scénario. Certes, la pertinence de cette utilisation du medium qu'est le jeu-vidéo peut être discutée ici, tout comme l'apparente légèreté avec laquelle tout cela est pris. Néanmoins, à aucun moment le long-métrage ne s'affirme la prétention d'être une œuvre philosophique profonde, pas plus qu'il ne cherche à se hisser entre deux bouquins d'Huxley et d'Asimov. 
Non, "Jumanji : Welcome to the Jungle" est une œuvre franche et intellectuellement honnête, qui soucieuse de servir à son public une histoire originale prend garde de ne pas s'égarer au-delà de ses capacités. C'est donc très positivement que j'ai accueilli le travail de Jake Kasdan sur ce film, tout comme son traitement respectable tout autant que respectueux d'un art qui m'est aussi cher que peut l'être le cinéma.

"Faiblesse : aucune". Voilà c'est génial !

De l'autre côté du miroir

Mais alors, quid de ce fameux scénario dont je lustre les ficelles depuis tout à l'heure ? Et bien il fait le travail, comme le formule si bien l'expression populaire. Mis au service d'un divertissement familial, mêlant aventure et comédie, il compte tous les éléments piliers de son genre. De l'antagoniste aux ambitions monomaniaques, à la poursuite d'un MacGuffin, en passant par les vertus de la confiance en soi et de l'amitié, on a la recette complète de la quête initiatique. Rien de bien casse-gueule, en soi, et si c'est bien là un paramètre que je trouve à reprocher aux productions modernes, c'est ici une sage décision. Comme dit plus haut, la profondeur toute discutable de l'intrigue suffit amplement dans un long-métrage qui privilégiera son rythme et son découpage. Et malgré quelques longueurs lors des scènes d'exposition ou des interludes, le pari est tenu et le résultat convainquant.
L'introduction passée, on nous présente nos joyeux lurons un par un. Archétypaux, presque clichés, on comprend bien vite que toute la substance sur laquelle se fera notre attachement envers eux aura moins à voir avec leur personnalité propre qu'avec l'accomplissement de leur quête personnelle. La confiance en soi sera d'ailleurs le dénominateur commun entre les quatre compères, qu'ils en manquent pour certains ou en aient trop pour d'autres. L'antagoniste (incarné par Bobby Cannavale) renforce la mise en avant de l'humilité comme leitmotiv du long-métrage. Expédiée donc, la sommaire présentation des héros, et place au talent de Dwayne Johnson pour crever l'écran en toute circonstance. Et c'est là bien peu dire, car pour renforcer l'esprit 'Méta' du film, et manquant par là de briser le quatrième mur, nombre de plans seront centrés sur le célèbre regard de l'ancien catcheur. Foutredieu, ne serait-ce que pour ces quelques plans, je ne regrette pas d'être allé voir ce film.
En effet, car visuellement, l'ensemble du long-métrage n'est pas très marquant. Les décors sont certes fantastiques, au sens premier du terme, mais on ne sent que très rarement perdu dans l'immensité de la jungle. Avoir découpé l'intrigue en plusieurs niveaux était aussi une bonne idée de la part du réalisateur, lui permettant ainsi d’enchaîner les péripéties de façon plus ou moins arbitraire tout en renforçant l'idée que nos héros se trouvent bel et bien dans un jeu-vidéo. Toutefois, les différents décors manquent à mon goût de singularité. Soit qu'ils partagent trop de similarités, soit qu'ils ne servent qu'à des scènes d'actions trop rapides pour qu'on puisse s'attarder sur l'environnement...

Générique, rideau, sourire.

J'aurais aimé trouvé plus à vous dévoiler sur cette agréable curiosité, mais l'intrigue est si mince et fébrile, comme je le disais plus haut, que m’appesantir trop longuement sur toutes les qualités dont il recèle malgré tout en gâcherait -m'est avis- la saveur véritable. Son côté familial 'à l'ancienne' et son casting taillé sur-mesure sont d'autant d'ingrédients qui en font ou un digne successeur à l'original, sinon un fabuleux divertissement. Une alliance plutôt propre entre nostalgie et modernité, et quand on y pense, surtout un véritable ovni dans la filmographie de son réalisateur.
Sur ce, je vous abandonne, c'est à moi de lancer les dés, et on a déjà un ami qui a été fait prisonnier par les Yacumos.
Bien à vous,

Bishop9K

Jumanji est disponible en DVD et Blu-Ray

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